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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/200

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RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS

C’est par centaines qu’il faudrait nombrer les têtes de bétail éparses sur les pentes. Elles se meuvent avec la belle indolence des animaux repus ; un peu étonnées d’une telle affluence de monde dans la monotonie habituelle de leur solitude,ellesappuient aux claies des barrières ou tendent par-dessus les haies d’ajonc leurs mufles emperlés de rosée, et meuglent doucement en roulant leurs gros yeux graves. Plus d’un pèlerin allonge le bras pour caresser leur poil au passage : elles font partie du décor traditionnet de la fête. N’est-il pas écrit dans la Vie de la Vierge qu’elle enfanta le Mabik au milieu des bœufs ? Et Notre-Dame de Tout-Remède n’a-t-elle pas souci des bêtes à l’égal des hommes ?

Une année, des saltimbanques — des mécréants — dérobèrent nuitamment une vache. Ils l’avaient emmenée dans la forêt du Kranou et s’apprêtaient à l’abattre pour se régaler de sa chair, quand éclata un orage subit que rien dans l’état de l’atmosphère ne faisait prévoir. Trois coups de tonnerre retentirent, foudroyant à la fois les voleurs et l’arbre auquel la vache était attachée,