Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
183
RUMENGOL, LE PARDON DES CHANTEURS


Hélas elle n’avait pas quinze ans,
Déjà lourde croix elle portait.

Sur un rocher, jouxte la mer,
La fille pleurait pleurs amers.

Et de plein cœur elle priait
Et vers les cieux ainsi criait :…

Un oblique rayon de soleil se joue sur les tempes dégarnies du barde. Iliens et Iliennes ont fait cercle autour de lui : ils boivent ses paroles et suivent le mouvement de la chanson jusque dans l’expression de son visage. Car il ne se contente pas de chanter, il mime ; si bien que la complainte se transforme en un drame monologué. Et quel prestigieux acteur que ce Yann ! Il a joint les mains, il lève au ciel un regard mouillé de larmes ; sa voix, traînante au début, éclate en accents déchirants :


« En se battant contre l’Anglais,
« Mon père s’est noyé dans la mer profonde.

« Le cœur de ma mère se fendit,
«  Quand ce malheur elle entendit.