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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/231

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AU PAYS DES PARDONS

voir le penn-tiern prosterné à quelque pas de l’ermitage dans l’attitude d’un suppliant, mais, étant allé à lui, il lui commanda de se lever et de le suivre. Ils se mirent à cheminer ensemble à travers la haute solitude. Leur vue s’étendait au loin sur les campagnes et sur la mer que le soleil naissant baignait d’une vapeur de pourpre et où des harmonies ineffables flottaient suspendues. Le maître de Kernévez avait toujours vécu dans ce site : il le connaissait en ses moindres détails, mais, pour la première fois, le sens intérieur lui en était révélé. Il lui sembla qu’il le contemplait avec des yeux nouveaux et plus parfaits. Et il versa des larmes d’attendrissement, sans savoir pourquoi, comme un enfant ou comme un homme ivre. Ronan lui dit :

« — Pleure, pleure. C’est Dieu qui entre en toi. »

Autour d’eux, les fougères embaumaient ; des haleines tièdes et suaves se jouaient dans les transparences de l’air. Jamais aurore n’eut plus de grâce et ne para le monde d’une plus exquise séduction. Quand Ronan jugea l’âme de son