Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
AU PAYS DES PARDONS

tardèrent pas à murmurer contre lui et à échanger son sujet des propos amers. Ils ne pouvaient s’expliquer qu’un homme aussi avisé que le penn-tiern se fût fait tout à coup l’apôtre de nouveautés impies, subversives des anciens cultes. Ils ne doutèrent point que l’ermite ne l’eût : ensorcelé. Leur haine contre Ronan s’en accrut ; et, quant au maître de Kernévez dont ils avaient si longtemps vénéré la sagesse, ils n’eurent dorénavant pour lui que la superstitieuse pitié dont on entoure en Bretagne les innocents et les fous.

Il ne s’en émut ni ne s’en plaignit. II vit s’écarter de lui ses amis les plus chers, sans en éprouver de ressentiment. N’étaient-ce pas, au dire de Ronan, les conditions ordinaires de tout début dans l’apprentissage de la sainteté ? Il ne se passait point de jour qu’il ne se rendît auprès du solitaire, dans un lieu dont ils étaient convenus, sur la lisière du domaine de Kernévez, à mi-pente de la montagne. Une haie de prunelliers sauvages les mettait à l’abri des regards indiscrets des pins parasols ombrageaient leur tête, et la mer, par une éclaircie, s’étalant devant eux à perte de