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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/242

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

sistance entière lui ferma la bouche. Il fut arrêté, séance tenante, qu’on se rendrait à Quimper de ce pas, pour dénoncer au roi Gralon-Meur l’abominable crime et demander justice contre le malfaiteur.

Le cortège, grossi de village en village, accompagna Kébèn jusque dans le palais du roi. Gralon-Meur fut ému par une manifestation aussi imposante ; il dépêcha des archers vers le saint, avec ordre de le lui amener sur le champ. En le voyant paraître, il ne douta point que la populace n’eût dit vrai. Avec sa face velue, avec ses ardentes prunelles d’ascète, ombragées d’épais sourcils, avec sa houppelande de bure grossière, salie, usée, enilochée, jaunie, pareille à la fourrure d’un fauve et nouée aux reins par une ceinture d’écorce, avec ses pieds souillés de boue, avec ses doigts aux ongles pointus et noirs comme des griffes, le solitaire avait les dehors d’un animal sauvage plutôt que d’un être humain.

« — Nous allons bien savoir s’il participe de la nature de l’homme ou de celle du loup, » pro-