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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/247

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AU PAYS DES PARDONS

à petits coups grêles et lents, comme un glas. L’attelage s’était immédiatement engagé dans la sente que Ronan avait accoutumé de parcourir chaque matin et chaque soir. En traversant les terres de Kernévez, il arriva près d’un lavoir où Kébèn lavait. Cette femme singulière, depuis l’aventure du coffre, n’avait plus fait parler d’elle ; mais elle ne s’était ni amendée, ni assagie. La clémence de Ronan, au lieu d’apaiser sa haine, l’avait exacerbée. Lorsqu’elle apprit sa mort, elle eut un tel accès de joie cynique que momentanément on la crut folle. Non seulement elle refusa de prendre le deuil avec les autres ménagères du quartier ; mais elle choisit le jour des obsèques pour faire sa lessive, commettant de la sorte un double scandale, puisqu’en ce même jour se célébrait la fête de Pâques.

Le cortège s’avançait dans un recueillement silencieux, au son de la petite clochette, quand, parmi des bruits de battoir, une chanson narquoise s’éleva de derrière les saules qui bordaient l’étang :