Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
248
AU PAYS DES PARDONS

aurez été plus longtemps à l’école de la vie, vous aurez appris la pitié. »

Incessamment des Troménieurs passent, gravement, tête nue, leur chapeau dans une main, dans l’autre un chapelet. Ils cheminent en silence, sans échanger une parole la Troménie est un « pardon muet ». À leurs yeux vagues, obstinément fixés devant eux, on devine que toute leur âme est concentrée dans une oraison intérieure dont rien ne la saurait distraire, pas même le splendide horizon qui, vu de ces hauteurs, semble se déployer au loin comme les branches mouvantes et merveilleusement nuancées d’un éventail prestigieux. Ils marchent isolés ou par troupes. C’est tantôt une famille, avec tous ses membres, tantôt un village entier, un clan de laboureurs émigré en masse, hommes et femmes, enfants et chiens. Les profils se détachent avec une extraordinaire netteté sur le bleu délicat du ciel, puis s’évanouissent dans les sinuosités de la montagne.

Une des principales étapes est celle qui va de la tombe de Kébèn à la « Jument de pierre ». Le sentier s’engage entre des ajoncs, franchit des