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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/276

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

Les traits sont d’une belle sérénité fruste : dans la fixité des prunelles semblent nager encore les grands rêves interrompus. Une des mains tient le bâton pastoral, l’autre le livre d’heures. À l’autel, un prêtre officie[1]. Il bénit l’assistance, et le défilé commence autour du tombeau. Les dévots circulent en rangs pressés. Plus de femmes que d’hommes, et presque toutes de la région de Douarnenez. Elles sont fraîches, roses, et comme nacrées, avec des yeux gris, du gris azuré de la fleur de lin. La coiffe, qui enserre étroitement le visage, lui donne un air inoubliable de candeur et de mysticité. Elles touchent du front, à tour de rôle, le reliquaire en forme de navette que leur présente un diacre puis, se retournant vers le thaumaturge de pierre, elles lui impriment sur la face leurs lèvres saines dont les souffles de la montagne ont singulièrement avivé l’éclat.

Et c’est ici la vraie revanche de Ronan.

La femme, dans la conception des Celtes, appa-

  1. C’était, si je ne me trompe, l’abbé Thomas, aumônier du Lycée de Quimper, et l’un des principaux zélateurs du culte des vieux saints nationaux dans le Finistère. On lira avec fruit l’importante brochure qu’il a consacrée à la Troménie.