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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/277

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AU PAYS DES PARDONS

raît comme une magicienne exquise et perverse tout ensemble, douée d’un pouvoir irrésistible, surnaturel, et qui prend tout l’homme sans rien livrer d’elle-même. Nos poètes populaires la célèbrent sans cesse dans les soniou, mais avec quelle tristesse résignée ! Et qu’il y a parfois d’angoisse mêlée à leurs effusions d’amour ! Les saints la craignaient, voyaient en elle un obstacle insurmontable à la sainteté. Efflam, contraint par son père de se choisir une épouse, ressentit devant la beauté d’Enora un tel trouble qu’il s’évanouit sur le parquet de la chambre nuptiale. Sans l’intervention d’un ange, il n’eût jamais eu le courage de s’enfuir. Enora l’ayant rejoint à travers le péril des eaux, il refusa d’entendre le son de sa voix et lui fit bâtir un ermitage de l’autre côté de la colline. Envel ne se montra pas moins impitoyable envers sa sœur Jûna. Pas une fois il ne lui rendit visite dans sa cellule qu’une vallée seulement séparait de la sienne. Il n’apprit sa mort que lorsque la cloche qu’elle avait coutume de sonner à l’heure de la prière ne tinta plus.

Proscrites, anathématisées par les saints, les