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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/278

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LA TROMÉNIE DE SAINT RONAN

femmes usaient de représailles à leur égard. En plus d’une occasion, elles leur jouèrent de fort vilains tours[1]. On a vu de quelle haine sans rémission Kébèn poursuivit Ronan, Je n’ai pas tout rapporté. Un hagiographe raconte qu’elle l’accusa publiquement d’avoir voulu lui faire violence. Mort, elle le traita de la façon que l’on sait. La trace de l’immonde crachat reparaît toute fraîche, dit-on, à chaque Troménie, sur la joue gauche du cadavre de granit ; et c’est elle, c’est cette souillure ineffaçable que les filles de Cornouailles viennent, de sept ans en sept ans, essuyer pieusement avec leurs baisers.

Cependant les cloches s’ébranlent. Les vibrations d’un glas tombent dans l’église à coups lugubres et espacés ; un chœur de prêtres entonne l’office des morts. La Troménie n’est pas seulement un pèlerinage de vivants. Les défunts qui n’ont pu l’accomplir en ce monde se lèvent du pays des âmes pour y prendre part. Croyez que

  1. Cf. Les saints bretons, d’après la tradition populaire. Annales de Bretagne, 1893-894.