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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/300

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE


« — Et tu n’as pas appelé de médecin ? »

À cette question si naturelle, la fillette scandalisée eut un bond d’effarement et, fixant sur moi ses claires prunelles de chatte sauvage :

« — Ne sommes-nous pas ici dans la terre de sainte Anne ? » prononça-t-elle. « Que parlez-vous de médecin ? Est-ce que la Mère de la Palude n’est pas la plus puissante des guérisseuses ? Elle saura bien, sans l’aide de personne, guérir mon père qui est son fermier. J’ai trempé par trois fois, en récitant trois oraisons, le linge que voilà dans l’eau de la fontaine sacrée, et vous voyez par vous-même comme déjà sa vertu opère. Qu’est-il besoin d’autre médicament ? »

Elle n’avait pas élevé la voix, de crainte de troubler le sommeil du malade, mais dans son accent vibrait une foi sombre. Peut-être y perçait-il aussi quelque irritation contre moi, car elle ajouta aussitôt d’un ton presque hostile :

« — Si vous êtes venu pour la clef, vous pouvez aller. La chapelle est ouverte. »

En me dirigeant vers cette chapelle, je m’attendais à trouver une antique « maison de prière »