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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/315

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AU PAYS DES PARDONS

bourdonnement humain auquel se mêlait, à intervalles réguliers, en sourdine, le grondement cadencé des flots. Nous fîmes un circuit pour gagner l’église. Une tribu entière de mendiants était couchée à l’ombre des ormes, dans l’enclos. Ils ne nous eurent pas plus tôt aperçus qu’ils se ruèrent sur nous, avec des abois de chiens hurleurs. Jamais encore je n’en avais vu en telle quantité, pas même au pardon de Saint-Jean-du-Doigt où cependant ils fourmillent ; surtout, jamais je n’en avais rencontré d’aussi insolents ! Ils ne demandaient pas l’aumône, ils l’exigeaient.

« — Payez le droit des pauvres ! » criaient-ils. Et ils nous frôlaient de leurs ulcères, ils nous soufflaient au visage leur haleine nauséabonde, empuantie par l’alcool. Il fallut jeter en l’air plusieurs poignées de sous, pour nous débarrasser d’eux. Comme je m’étonnais que le clergé tolérât aux abords immédiats du sanctuaire cette horde cynique et répugnante, mon compagnon, qui me servait en même temps de cicérone, me répondit :

« — Ils sont ici de fondation. Jadis, ils s’intitulaient les rois de la Palude. Royauté éphémère,