Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
SAINTE-ANNE DE LA PALUDE

Sur la table, des plats d’étain où nagent des saucisses des brocs, des chopines débordantes d’un cidre huileux, quoique très additionné d’eau, que la chaleur a fait tourner en vinaigre ; des réchauds avec de la braise pour allumer les pipes, une grande jarre pour se laver les mains… Nous sommes chez Marie-Ange, matrone égrillarde, qui n’a d’angélique que le nom. D’ordinaire, elle vend du poisson à Douarnenez, sous les halles, et c’est seulement par occasion, dans les circonstances solennelles, qu’elle fait métier de cabaretière. Croyez qu’elle s’en tire à merveille, vive, preste, l’œil à tout et un mot pour chacun, la jambe alerte, le parler hardi.

La portière de la tente, un pan de toile retenu par une amarre en guise d’embrasse, s’ouvre sur l’église et, plus loin, par une fente des dunes, sur la tranquillité sereine de la mer. Un feu de mottes brûle à quelques pas, en plein vent ; au-dessus bout le café de Marie-Ange, dans un chaudron accroché à un faisceau de branchages. Des vols d’étincelles s’éparpillent, allument dans l’herbe desséchée de petites flammes courtes et rapides.