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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/320

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE

tège fantastique et macabre. Ils défilent en troupeau, pèle-mêle, célébrant de leurs gosiers avinés la louange de la Palude et les mérites de la Bonne Sainte, vraie grand’mère du Sauveur,

Par qui la rose a fleuri où ne poussait que l’épine.

Plus d’un qui titube chante quand même, comme en rêve. Les femmes emportent dans les bras des nourrissons « sans père », nés des promiscuités de hasard, au long des routes. Les aveugles vont, de leur allure hésitante de somnambules, la face tournée vers le firmament, la main cramponnée à leur bâton fait de la tige d’un jeune plant et semblable à une houlette. Des tronçons d’hommes branlent ainsi que des cloches entre des montants de béquilles. Unn innocent ferme la marche, un grand corps à la face hébétée, qu’à sa robe grise, dans l’obscurité, on prendrait pour un moine. Sur son passage, les gens se découvrent et se signent, car l’esprit de Dieu habite dans l’âme des simples. Marie-Ange lui offre, en termes gracieux, un verre de cidre, mais il n’a plus soit,