Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
AU PAYS DES PARDONS

au dire de la vieille qui le mène en laisse. Et il disparaît avec les autres, par la pente des dunes, dans le noir. Un pèlerin me chuchote à l’oreille :

« — Sainte Anne a une affection particulière pour cet idiot. Il y a six ans il tomba malade, à des lieues d’ici, du côté de la montagne d’Aré, en sorte qu’il ne put arriver à la Palude pour la fête. Le pardon en fut gâté. Du vendredi matin au lundi soir il plut à verse. La bénédiction du ciel accompagne les innocents. »

Le silence est redevenu profond, sauf, par intervalles, un hennissement, un appel lointain de bête égarée, et toujours, toujours, le bruit de la mer assoupie, calme comme un souffle d’enfant…

Nous avons descendu les sentiers abrupts qui conduisent à la plage. Dans les anfractuosités des roches, des couples étaient assis, jeunes hommes et jeunes filles, — celles-ci, ouvrières en sardines, de l’île Tristan, de Douarnenez, de Tréboul, peut-être même d’Audierne et de Saint-Guennolé, — ceux-là, marins de l’État accourus de Brest, en permission, pour embrasser leurs amies, leurs « douces », pour