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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/324

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SAINTE-ANNE DE LA PALUDE


« — Ce n’est ni l’un ni l’autre, » répondit-il en se rapprochant de nous, heureux d’avoir avec qui causer pendant le trajet. « Nos jambes, Dieu merci ! sont encore solides, et, quant à notre vœu, Renée-Jeanne et moi nous nous en sommes acquittés dans la soirée, dévotement, comme il sied à des chrétiens. »

« — C’est donc alors que vous vous êtes réconciliés avec la mer ?… »

« — Non plus. Je lui en voudrai tant que je vivrai. Elle nous a pris notre fils Yvon, que Dieu ait son âme ? Ces choses là ne se pardonnent point. La mer ! Ni Renée-Jeanne, ni moi, nous ne pouvons la sentir. Une de nos fenêtres donnait dessus : nous l’avons murée. La terre est la vraie mère des hommes ; la mer est leur marâtre. Si j’étais sainte Anne, je la dessécherais toute, en une nuit. »

« — Oui mais, vieux Tymeur, cela ne nous dit pas… »

« — C’est juste. Après tout il n’y a pas de mal à vous conter ça, puisque rien n’arrive sans la permission de Dieu. N’est-ce pas. Renée-Jeanne ? »