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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/33

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AU PAYS DES PARDONS

figure flétrie, à la peau rugueuse et plissée comme une écorce de chêne, ses petits yeux brillaient d’un éclat singulier. Il me vint à l’esprit des pensées déplaisantes qui me gâtèrent toute ma joie de tantôt. Si j’avais osé, je serais retourné sur mes pas. Aussi n’ai-je gardé de cette partie du trajet que des souvenirs confus. Par intervalles, on traversait des aires de fermes. Monik était universellement connue ; les ménagères se montraient sur le seuil et la saluaient au passage :

« — Ah ! ah ! Mônik, on va donc là-bas ? »

« — Oui, oui, une fois encore !… Quand les choses ne sont pas droites, il faut bien recourir à quelqu’un qui les redresse. »

Ces propos énigmatiques, échangés d’un ton rapide, n’étaient pas pour diminuer mon malaise. — Au creux d’un ravin, entre des rebords en granit rongés par les mousses, dormait tristement une fontaine à l’eau ténébreuse et glacée. Monik s’agenouilla sur la margelle ; je crus qu’elle voulait boire. Mais point. Elle se contenta de puiser quelques gouttes dans ses deux mains et