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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/333

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AU PAYS DES PARDONS

et flottante, tantôt couleur du soleil, tantôt couleur de la lune, les yeux changeants et fascinateurs. Elle habite un palais immense dont les vitraux resplendissent ainsi que de gigantesques émeraudes. Elle a des passions tumultueuses, une rage inassouvie d’amour. Sa préférence va aux hommes du peuple, aux gars solides et frustes. Un pêcheur passe, ses filets sur l’épaule : de la fenêtre de sa chambre, elle lui fait signe de monter. Plusieurs fois par nuit, elle change d’amants ; elle danse devant eux toute nue, les enlace et les endort, en chantant, d’un sommeil dont ils ne se réveilleront plus. Car ses baisers sont mortels. Les lèvres où les siennes se sont appliquées demeurent béantes à jamais. C’est une dévoreuse d’âmes. Un de ses caprices suffit à causer des catastrophes épouvantables, efface en un clin d’œil une ville entière de la carte du monde. On l’adore et on la hait. Elle est irrésistible et fatale. Qui ne reconnaîtrait en elle la personnification vivante de la mer ?

… Sur la plage du Ris, les pèlerins se déchaussent. C’est le moment du reflux. Les sables, d’une