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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/35

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AU PAYS DES PARDONS

par une gênetaie ; un colombier désert y projetait son ombre mélancolique. Non loin, deux ou trois maisons de pauvres, couvertes en glui ; en contre-bas, un bouquet d’ormes ébouriffés par les vents d’ouest, et, à leur pied, dans un retrait, une petite construction bizarre, semi-chapelle, semi-crèche. Nous étions au terme de notre course.

« — Fais ta prière, enfant, me dit Môn. Ici demeure le grand saint des Bretons, ici demeure Yves le Véridique. »

C’étaient les premiers mots qu’elle m’adressait depuis Trédarzec. Elle ajouta :

« — Mais, d’abord, regarde bien. Sa statue est celle que tu vois dans cet angle. Il y est représenté tel exactement qu’il était de son vivant, du temps qu’il était recteur de Tréguier[1]. »

Une vapeur diffuse emplissait le sanctuaire qui ne recevait de jour que par la porte et par une

  1. Ainsi s’exprimait l’excellente femme. Est-il nécessaire de faire observer que les gens du peuple ont leur façon personnelle d’interpréter, c’est-à-dire de dénaturer l’histoire, et que saint Yves a été non pas recteur, mais official de Tréguier