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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/36

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

espèce de lucarne percée dans un des murs latéraux. Au fond était dressé un autel en maçonnerie, blanchi à la chaux, où, sur la table de pierre, sans nappe ni ornements, une rangée de saints s’appuyaient les uns aux autres, épaule contre épaule, comme une bande d’hommes ivres. Ils avaient, pour la plupart, des traits à la fois rudes et bénins, encadrés d’une chevelure moutonneuse et d’une barbe en collier, et rappelaient à s’y méprendre les gens de notre entourage habituel, — pêcheurs du Trieux et mariniers du Jaudy. Une statue isolée occupait l’encoignure de droite ; c’était elle que me désignait Monik. Elle était de taille humaine, beaucoup plus haute que les précédentes, mais tout aussi fruste ; le bois en était fendillé, pourri, entaché de lèpres et de moisissures. La figure seule avait gardé les traces d’un peinturlurage ancien, étrangement blêmi ; et sa pâleur mate semblait luire dans l’ombre, comme si elle eût été phosphorescente. On eût dit la face d’un mort, éclairée d’un reflet de cierges. Je ne la contemplai du reste qu’à la dérobée, et dans des dispositions