Aller au contenu

Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/47

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
AU PAYS DES PARDONS

de nos paysans — qu’une perversion du culte pur, autrement large, autrement humain, qu’ils rendent au vrai saint Yves ?

Parcourez les chaumières du littoral ou, comme on dit en breton, de l’armor trégorrois. Ce qui vous frappe, dès le seuil, c’est une enluminure naïve peinte à fresque par un artiste sans prétentions, à l’endroit le plus éclairé de la maison, — généralement dans l’embrasure de la fenêtre, là où s’épinglent aussi, en leurs cadres rococo, les photographies fanées des membres de la famille. Neuf fois sur dix, cette enluminure représente saint Yves, et, d’une chaumière à l’autre, le type est invariablement le même : figure imberbe et douce, le corps figé en une raideur sacerdotale, une bourse dans la main droite, un livre dans la gauche, l’air d’un tout jeune prêtre frais émoulu du séminaire, d’un cloarec[1] récemment promu au gouvernement des âmes. J’ai connu, dans mon enfance, des vicaires qui ressemblaient à cette image trait pour trait, blonds,

  1. Clerc.