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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/60

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

labourées de profonds remous. Le dirai-je ? L’éclat même donné à ces fêtes froissa dès l’abord ma religiosité bretonne. Il y avait là trop de mise en scène, une orchestration trop savante, trop de curieux aussi, trop de « blagueurs », trop de photographes. Notre race a des pudeurs jalouses, surtout quand il s’agit du plus intime d’elle, de ces exquises dévotions surannées où elle se réfugie et se complait. Sous d’âpres dehors, elle est discrète, fine ; l’ostentation l’effarouche. À ses pardons habituels vous n’entendrez guère que des sons voilés de tambours et le sifflet pastoral des fifres. Le tintamarre des cuivres bouleverse l’harmonie de son rêve intérieur qu’elle ose à peine se murmurer à elle-même. Pour moi, tout ce bruit me choquait d’autant plus, en cette circonstance, que je savais de quelle réserve délicate s’enveloppe au pays de Tréguier le culte de saint Yves.

Dès les premières nuits de mai, alors que, selon la jolie expression locale, le ciel s’ouvre, semble planer de plus haut sur la terre, l’usage est de se rendre au Minihy par la route obscure