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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/72

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

me donner, oui ! sinon, vous savez que c’est non !

Il y avait toujours « quelque besogne » en réserve pour Baptiste. On lui gardait de préférence celles qui paraissaient exiger beaucoup de force, comme de transporter du fumier ou de fendre du bois. Il s’en acquittait avec une inhabileté charmante, le pauvre vieux ! Mais c’était une âme douce, prompte aux illusions. Il se persuadait de bonne foi qu’il avait fait merveille, et mesurait la qualité de son travail à la sueur ruisselante sur ses joues évidées.

« — Vous vous fatiguez trop, Baptiste, lui disait ma mère. Nous vous tuerons dix ans plus tôt. »

Ce compliment le touchait aux moëlles ; il rayonnait. Nous le faisions asseoir à table, au milieu de nous, comme c’est l’usage dans les anciennes demeures bretonnes. Il avait très faim — ne goûtant pas au pain tous les jours — et cependant il fallait le forcer à manger. Que de fois, à son insu, nous lui avons empli les poches ! Sa conversation était des plus intéressantes. Il