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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/73

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AU PAYS DES PARDONS

avait vu « vivre beaucoup de monde et passer beaucoup de choses ». Des trésors de connaissances populaires accumulées roulaient pêle-mêle dans sa mémoire, ainsi que les galets sur la grève à l’heure de la marée montante. Je pillais dans le tas, à la façon des ramasseurs d’épaves…

Un soir, il se montra sur notre seuil, décemment vêtu de haillons presque propres.

« — Voulez-vous assister au pardon des pauvres ? » me demanda-t-il. « Je suis attendu chez le fermier de saint Yves, — mon ami Yaouank, — à qui j’ai rendu quelques services. »

L’aubaine était des meilleures. Je m’empressai d’accepter.

Déjà, au cours de l’après-midi, j’avais cru remarquer que le bourg était plus animé que de coutume. De tous les petits chemins de grève débouchaient des troupes de mendiants. Hommes, femmes, enfants, ils traversaient la place, sans s’arrêter, sans même jeter un regard aux portes des maisons, puis tournaient à l’angle de la route de Tréguier où ils disparaissaient, entre les haies des ajoncs reverdis.