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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/74

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES


Nous prîmes la même direction. Il était près de sept heures : derrière nous, du côté de Perros, le soleil à son déclin ressemblait à la gueule embrasée d’un four. Sur nos têtes, de petites nues floconneuses, blanches comme une laine qui sort du lavoir, dormaient au fond du ciel, suspendues et immobiles. Quoique ses jarrets eussent fléchi sous le poids de l’âge, Baptiste ne laissait pas de cheminer d’une allure assez ingambe. Comme je lui en faisais l’observation :

« — Qui naît pauvre doit avoir bon pied, » me dit-il, dans la forme sentencieuse qui lui était habituelle. « Ce n’est pas sans raison qu’on appelle les gens de ma sorte des baléer-brô, des batteurs de pays. Le pain ne venant pas à nous de lui-même, force nous est d’aller à lui, et c’est un métier où il faut des jambes… ou des béquilles, ajouta-t-il, en me montrant un éclopé qui se tortillait, un peu en avant de nous, entre ses deux piquets de bois.

Baptiste continua :

« — Les livres vous ont sans doute appris quel marcheur était saint Yves, notre patron. »