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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/81

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AU PAYS DES PARDONS

« — Ah ! ah ! » s’écrièrent ceux-ci, « nous en tenons donc un !… Où allais-tu ainsi, vagabond ? »

« — À Saint-Yves, vénérables sires. Puissent ses bontés être sur vous ! »

« — Tu as été pris traversant nos terres. Tu vas payer l’amende ! »

Pour toute réponse, l’aveugle retourna ses poches qui étaient en lambeaux et d’où tombèrent seules quelques miettes de pain d’orge. Les seigneurs firent un signe aux gardes. L’instant d’après on hissait le pauvre homme dans le clocher et on l’amarrait à l’arbre en fer de la croix, au sommet de la flèche.

« — Prie saint Yves qu’il te rende la vue, » lui dirent ses bourreaux. « Tu es à la meilleure place pour contempler son pardon. »

Ils n’avaient pas fini de parler que le ciel devint d’un noir d’encre. Une obscurité épaisse enveloppa le monde, comme au jour où mourut le Christ. Et, du ventre des nues, s’élancèrent des serpents de feu. En un clin d’œil l’église, les manoirs, les bois, les cultures, tout fut dévasté, incendié, réduit en cendres. Seule la flèche fut