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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/87

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AU PAYS DES PARDONS

mélancolie d’expression, d’une pâleur délicate et souffrante. H me souvient d’une entre toutes : type pur de madone, une grâce mystique répandue sur ses traits fins, je ne sais quelle suavité dans la démarche. On eût dit un être immatériel. Ses pieds nus, bronzés au soleil des grand’routes, effleuraient à peine le sol. Elle avait de longues paupières, de très longs cils. Quand elle passa près de moi, je vis qu’elle portait au cou des traces de scrofule. Je demandai son nom à Baptiste.

« — C’est une innocente. Elle est de Pleumeur. Il paraît qu’elle tombe du haut mal et que, pendant six mois de l’année, son corps n’est qu’une plaie… »

On n’entendit bientôt plus que le bruit des cuillers de bois râclant le fond des écuelles la soupe avait été avalée en quelques lampées. Le maître de maison — le penn-tiegèz — s’agenouilla sur la pierre du foyer et se mit à réciter l’oraison du soir les mendiants donnaient les répons, dans un bredouillement un peu confus, d’une voix ronronnante et ensommeillée… En face de moi,