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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/98

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SAINT-YVES, LE PARDON DES PAUVRES

devant le foyer, — comme tantôt. La servante versait le bouillon à mesure. Un, deux… cinq… dix malheureux se présentèrent à tour de rôle ; la marmite semblait inépuisable. Vingt autres passèrent, et puis vingt autres ; la servante continuait verser. Ma femme était devenue toute pâle d’émotion ; elle ne suffisait plus à sa tâche, si fort qu’elle se dépêchât ; un des valets dut lui venir en aide. Moi, j’éprouvais une sorte d’angoisse. Tous, nous avions le sentiment que nous assistions à quelque chose d’extraordinaire, de surnaturel, et nous retenions nos baleines, n’osant respirer. L’oppression du miracle était sur nous. Pas un pauvre, je vous l’affirme, ne s’alla coucher sans souper. Voilà ce que j’ai vu, il y a de cela aujourd’hui quinze ans…

« Quand je cherchai des yeux l’homme qui avait parlé, il avait disparu. Je demandai qui il était personne ne le connaissait. Une vieille dit :

« — Comme je longeais le cimetière du bourg, je l’ai aperçu franchissant l’échalier, et, dès lors, il a marché à côté de moi. Deux fois il m’a tendu