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Page:Le Braz - Au pays des pardons, 1894.djvu/99

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AU PAYS DES PARDONS

la main pour sauter des mares. Je crois bien qu’il portait une tonsure, car son crâne était tout blanc sous la pluie… »

« Elle n’ajouta rien de plus, mais chacun demeura convaincu que le mendiant étrange n’était autre qu’Yves Héloury, l’antique seigneur de ce lieu. Vous en penserez ce qu’il vous plaira. Mais, je vous le répète, voilà ce que j’ai vu. Et beaucoup d’autres sont vivants, qui pourraient en témoigner. »

Yaouank-coz heurta sa pipe à l’ongle de son pouce, pour en secouer la cendre, et parut s’absorber dans ses souvenirs. Je m’abstins, il va sans dire, de toute réflexion… Baptiste ronflait sur la table. Le balancier de l’horloge allait et venait avec de grands coups sourds, fendant l’heure, en quelque sorte, comme un bûcheron son bois. À force d’entendre ce bruit obsédant et régulier, je finis par m’assoupir à mon tour, la nuque appuyée au lit de Saint Yves, le cerveau hanté d’hallucinations confuses où des pauvres, amarrés à des flèches d’églises, mangeaient de la soupe en des écuelles d’or.