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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/116

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testa Belfast d’une voix brisée de frissons ; nous ne sommes pas… brr…

— Encore, cria le second en projetant le bras vers la forme indécise ; encore !… Mais il est en chemise ! Qu’est-ce que tu as fait ?

— J’ai mis mon ciré et mon paletot sur ce moricaud à demi crevé — et il dit qu’il étouffe, dit Belfast, d’un ton de plainte.

— Tu ne me parlerais pas comme ça si je ne l’étais pas à moitié mort, va-nu-pieds d’Irlandais ! tonitrua James Wait, avec vigueur.

— Tu… brr… tu ne serais pas plus blanc si tu te portais bien. Je me battrai avec toi… brrr… par beau temps… brrr… une main amarrée derrière le dos… brrrrrr…

— Je ne veux pas tes nippes, je veux de l’air, pantela l’autre faiblement, comme si ses forces s’épuisaient soudain.

Les embruns balayaient le pont sifflant et crépitant. Des hommes, surpris dans leur paisible torpeur par la souffrance de ce bruit de querelles, gémirent, marmottant des jurons. M. Baker se traîna un peu plus loin, sous le vent, vers une pièce à eau, dont la masse montrait à son pied quelque chose de blanc.

— Est-ce toi, Podmore ? interrogea M. Baker. Il eut à répéter sa question avant que le cuisinier se retournât en toussant faiblement.

— Oui, sir. Je priais en moi-même, afin d’obtenir prompte délivrance ; car je suis prêt à tout appel… Je…

— Ecoutez, interrompit M. Baker, les hommes crèvent de froid.

— De froid, dit le coq, lugubrement, ils auront assez chaud bientôt.

— Quoi ? demanda M. Baker, l’œil plongeant vers