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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/137

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brillants. Le maître d’équipage allongea la tête dans l’entrebâillement de la porte.

— Relevez à la barre, quelqu’un, cria-t-il, il est six heures. Du diable si ce vieux Singleton n’est pas là-haut depuis plus de trente heures. Vous êtes chics !

Il fit claquer le battant.

— La bordée de quart là-haut, dit quelqu’un.

— Hé, Donkin, c’est ton tour de relève, cornèrent deux ou trois voix ensemble.

Il avait escaladé une couchette vide et gisait immobile sur les planches mouillées.

— Donkin, ton tour de barre.

Pas un son ne répondit.

— Donkin qui est mort, pouffa quelqu’un.

— Faut vendre ses effets, jeta un autre.

— Donkin, si tu ne t’en vas pas prendre ton sacré tour de barre, on va vendre tes habits, gouailla un troisième. On entendit l’interpellé geindre du fond de son trou noir. Il se plaignit de douleurs dans tous les membres et se lamentait pitoyablement.

— Il n’ira pas, dit une voix méprisante. Davies, c’est ton tour.

Le jeune matelot se leva péniblement, élargissant sa carrure. Donkin avança la tête : la lumière jaune la montra hagarde et fragile.

— Je te donnerai un paquet de tabac, pleurnicha-t-il d’une voix conciliante, sitôt que je l’aurai touché, parole.

Davies, d’un revers de main, fit disparaître la tête.

— J’irai, dit-il, mais tu me le paieras.

Il marcha d’un pas mal assuré, mais résolu vers la porte.

— C’est comme je le dis, continua Donkin, réapparu soudain derrière lui. Parole que je le ferai… Un fort paquet. Trois shillings que ça coûte…