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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/183

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— Nous ne voulons pas manquer de monde, sir, commença enfin Davies d’une voix mal assurée, et ce noir-là…

— Assez ! cria le patron. Il resta immobile à les toiser un moment, puis marchant de long en large, commença de leur dire leur fait, déchaîna l’orage, froidement, en rafales violentes et coupantes comme les bises de ces mers glacées qui avaient connu sa jeunesse.

— Je vais vous dire ce dont il retourne. Trop grands pour vos bottes. Vous vous prenez pour des gars épatants. Connaissez la besogne à moitié, faites votre devoir de même. Trouvez que c’est trop encore ! Vous en feriez dix fois autant que ça ne serait pas assez.

— On a trimé de son mieux, sir, cria une voix secouée d’exaspération.

— De votre mieux, continua le patron. On vous en dit de belles à terre, pas vrai ? Ils ne vous disent pas là pourtant que, votre mieux, il n’y a guère de quoi s’en vanter. Je vous le dis, moi : votre mieux vaut encore moins que mauvais. Vous ne pouvez pas en faire davantage ? Non, je sais, n’en parlons plus. Mais halte à vos farces ou je m’en charge. Je suis paré. Halte là !

Il menaça d’un doigt l’équipage.

— Quant à cet homme, il éleva beaucoup la voix, quant à cet homme, s’il met le nez sur le pont sans ma permission, je le colle aux fers. Là !

Le coq l’entendit de l’avant, sortit en courant de sa cuisine, les bras au ciel, horrifié, ahuri, n’en croyant pas ses oreilles, et rentra de même. Il y eut un moment de profond silence durant lequel un gabier aux genoux arqués, s’écartant, cracha avec décorum dans le dalot.

— Il y a autre chose, dit le patron avec calme. Ceci. Il fit un pas rapide et d’un mouvement balancé sortit