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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/184

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de sa poche un cabillot de fer. Le geste fut si subit et si prompt que le groupe recula d’un pas. Il tenait ses yeux attachés sur les leurs, et quelques visages revêtirent incontinent une expression de surprise comme s’ils n’avaient jamais vu de cabillot auparavant. Le capitaine l’éleva :

— Ceci est mon affaire. Je ne pose pas de questions, mais vous savez tous ce que parler veut dire : il faut que ceci retourne d’où c’est venu. Ses yeux s’allumèrent de colère. Le groupe piétina saisi d’un malaise. Ils détournèrent les yeux de ce morceau de fer, ils semblaient timides ; un embarras, une honte les troublait comme devant un objet répugnant, scandaleux ou choquant que la décence la plus vulgaire interdirait de brandir ainsi au grand jour. Le patron attentif observait :

— Donkin, fit-il d’un ton bref et incisif.

Donkin plongea derrière l’un, puis derrière l’autre, mais ils regardèrent par-dessus leurs épaules et s’écartèrent. Leurs rangs continuèrent à s’ouvrir devant lui, à se refermer derrière, jusqu’à ce qu’enfin il apparût seul devant le patron comme s’il avait surgi du pont même. Le capitaine Allistoun s’approcha de lui. Ils avaient à peu près la même taille et, à courte portée, le patron échangea un regard meurtrier avec les petits yeux luisants. Ils clignèrent.

— Tu connais ça, demanda le patron.

— Non, j’connais pas, répondit l’autre, trépidant mais effronté.

— Tu es un chien. Prends-le, ordonna le patron.

Les bras de Donkin semblaient collés aux cuisses ; il restait les yeux à quinze pas comme au Fixe à la parade.

— Prends-le, répéta le patron en se rapprochant d’un pas ; ils se soufflaient au visage.