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Page:Le Negre du Narcisse, trad. d Humieres, Gallimard 1913.djvu/222

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— Plus d’eau dans le puisard, annonça pour la dernière fois le charpentier, sonde en main.

M. Baker jeta un coup d’œil le long des ponts aux groupes des hommes impatients, un autre en haut à la mâture :

— Hou ! Ça fera le compte, les gars, grogna-t-il.

La traversée était finie.

Des rouleaux de literie s’en allèrent volant par-dessus la lisse, des coffres ficelés glissèrent le long du passavant — il n’y avait guère des uns ni des autres.

— Le reste se balade au large du Cap, expliqua Knowles énigmatiquement à un traîneur de quais, ami de fraîche date.

Les matelots couraient, s’appelant l’un l’autre, sommant des inconnus de leur prêter main-forte, puis, avec un décorum soudain, s’approchaient du second pour prendre congé avant de débarquer.

— Adieu, sir, répétaient-ils en intonations variées.

M. Baker étreignait les dures paumes, un grognement amical pour chacun, une étincelle joviale dans le regard.

— Prends garde à ton argent, Knowles. Hou ! Si tu fais attention, tu ne tarderas pas à te trouver une gentille petite femme.

Le boiteux rayonna.

— Adieu, sir, dit Belfast avec émotion en broyant la main du second et levant sur lui des yeux noyés. Je croyais bien l’emmener à terre avec moi, continua-t-il plaintivement.

M. Baker, sans comprendre, dit avec bonté :

— Bonne chance, Craik.

Et, désemparé, Belfast franchit la lisse, courbé sous la solitude et le deuil.

M. Baker, dans la paix soudaine qui enveloppait le