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Page:Le Stylet en langue de carpe.djvu/85

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lumière, entrant par les portes-fenêtres, avait cette teinte sale et savonneuse qui est bien dans nos climats un des plus sûrs créateurs de neurasthénies à forme suicidaire.

Je la regardais aller et venir. Elle le sentait et jouait à provoquer en moi un genre d’émotion, mi-sexuelle mi-esthétique, dont j’ai longtemps poursuivi en vain le renouvellement depuis la fin de cette histoire. Nous ne disions rien l’un ni l’autre. Enfin elle s’arrêta, debout au chambranle d’une porte. Elle portait, je m’en souviens, une robe molle et floue de soie brochée dont les dessins figuraient d’absurdes géométries polychromes. Sous l’étoffe, ses formes grêles se dessinaient nettement. Des mules de cuir écarlate vêtaient ses pieds minces et brefs. Elle prit une cigarette dans la coupe de cuivre ciselé, sise sur une console, et l’alluma. Ses yeux agrandis reflétaient la lumière. Le cou dégagé montrait la naissance de la gorge et jalonnait avec précision le jeu des courbes savantes menant de ce fût charnu et lisse aux volutes du menton haut levé.