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Page:Le poisson d'or.djvu/19

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LE POISSON D’OR

certaines habiletés oratoires. On sait que le hasard aime à favoriser les habiles : le nom de la nouvelle venue rehaussa tout d’un coup de cent pour cent les actions du conteur.

Le murmure discret des invités allait répétant : « Mme la comtesse douairière de Chédéglise. »

C’était l’actualité du récit qui entrait.

La duchesse de D… courut à la rencontre de la nouvelle venue, et la prit par la main. La comtesse douairière de Chédéglise était la belle-mère de sa sœur.

— Chère dame, dit-elle étourdiment, vous devez connaître l’histoire du poisson d’or et de M. Keroulaz, le marchand de sardines, qui avait un procès avec Judas ?…

La comtesse était une femme de quarante ans à peine, très belle encore, et dont la physionomie remarquablement expressive annonçait la fermeté des grands cœurs. Elle fut frappée, car elle pâlit et son regard inquiet fit le tour du cercle. À la vue du ministre qui restait un peu décontenancé, une nuance d’étonnement passa sur son visage et fut remplacée bientôt par le calme souriant qui rarement l’abandonnait.

— Mignonne, répliqua-t-elle, vous ne dites pas tout le nom de ce marchand de sardines qui avait un procès avec Judas. Je l’ai beaucoup connu, en effet ; il s’appelait Yves-Marie Cosquer du Mettray, marquis de Keroulaz, et c’était mon grand-père.

Elle déposa un baiser sur le front de la duchesse décontenancée à son tour, et passa.

— J’ai fini, murmura Son Excellence, qui fit mine de quitter la sellette.

Ce fut un terrible moment pour la marquise. Ses