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LE POISSON D’OR

raux. Je m’assis, néanmoins, parce que ma tête tournait, et je me mis à rire tranquillement, comme j’ai vu faire aux ivrognes qui ont le vin paisible. À dater de ce moment ce fut un rêve ; la cérémonie lointaine surgit à mes yeux comme un mirage, puis disparut. Je m’endormis, à moins que ce ne fût l’évanouissement qui accompagne les congestions cérébrales.

Je m’éveillai au contact de ce qui me parut être un plein seau d’eau vigoureusement lancé à ma figure. Je sautai sur mes pieds et je demeurai frappé de stupeur. Mon prétendu seau d’eau était une lame. Le vent du sud poussait la marée montante, et le flot dansait tout autour de moi dans les roches. La seconde lame, qui vint en faisant gros dos, et que je ne songeai même pas à éviter, me terrassa. Je me relevai d’instinct et je pris tout bonnement ma course vers le sec, où j’eus le bonheur d’arriver sain et sauf, mais trempé comme une soupe.

Quelques minutes après, j’étais assis, enveloppé dans une couverture de laine, sous le manteau enfumé de la cheminée du père Mikelic, à l’enseigne du Cygne de la croix. C’est le meilleur cabaret de Gavre ; il balance la renommée de la mère Tabac, qui est l’orgueil et la consolation de Larmor. On m’avait revêtu de cette couverture, afin de passer à l’eau douce mes vêtements imprégnés de sel, et qui, sans cette précaution, n’auraient pu sécher.

Le jour allait baissant, Je ne puis pas dire que je fusse absolument remis de la secousse qui avait ébranlé mon intelligence. Ma pensée restait un peu étonnée et confuse. Cependant je n’éprouvais aucun malaise et je me sentais un très bel appétit.

Beaucoup à boire, chez le père Mikelic, mais rien à