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Page:Le poisson d'or.djvu/62

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LE POISSON D’OR

faveur de ma moralité, ce qui fit sourire mes confrères. Comme je revenais à l’hôtel, les polissons me chantèrent pouille et les convives de la table d’hôte me demandèrent si je ne retournais pas bientôt à Rennes.

Quand je pris congé des Keroulaz, Jeanne me dit :

— Cela coûte-t-il bien cher pour aller devant la Cour d’appel ?

– Trop cher, répondis-je.

Elle ajouta :

– Mon grand-père en mourra… et pourtant je ne peux pas être la femme de M. Bruant !

Le grand-père m’apprit que ce jour-là même M. Bruant avait renouvelé sa demande en mariage.

Comme je montais en diligence, on me mit dans la main un petit panier recouvert de paille. Il faisait nuit déjà et j’étais préoccupé je repoussai l’objet, disant :

– Cela n’est pas à moi.

– Excusez, monsieur l’avocat, répartit une voix qui me fit tressaillir. Je ne sais pas écrire, sans ça j’aurais mis votre nom dessus.

Je levai les yeux. C’était Vincent, la joue rouge et le regard baissé. Il me vit hésiter et dit encore la larme à l’œil.

Je vous prie bien de ne pas me refuser, monsieur Corbière. Allez ! c’est de bon cœur !

La voiture s’ébranlait, je n’eus que le temps d’y prendre ma place et je gardai le panier. Vincent me remercia d’un geste qui me remua le cœur ; les polissons rassemblés ayant voulu saluer mon départ d’une dernière huée, Vincent ferma les poings et les dispersa comme une volée de moineaux. J’avais un ami, à tout le moins, parmi cette population hostile. Le pa-