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Page:Le poisson d'or.djvu/64

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LE POISSON D’OR

ont été mes anges gardiens dans la lutte si longtemps stérile, parlèrent bientôt de faire une bourse pour subvenir aux frais d’un appel.

Mais je ne sais, mesdames, pourquoi j’ai tant tardé à vous instruire, car, de ce fameux procès Keroulaz, vous ne connaissez que deux faits : la vente par le citoyen Bruant d’une presse à sardines située à Gavre, et l’action en revendication intentée par le même contre son acheteur insolvable. À cette action, l’acheteur répondait par son affirmation d’avoir payé le prix de vente intégralement, avec les intérêts et frais. Le vendeur répliquait « Fournissez votre quittance. »

Il n’y avait pas autre chose que cela dans l’affaire portée devant le tribunal de Lorient, mais, Dieu merci, ma cause à moi, la cause que je plaidais et que je gagnais matin et soir par-devant les deux dames Corbière, ne ressemblait point à cette plate exposition. En manière de préface, je faisais d’abord la biographie de Bruant, dit Judas, ancien domestique des Penelis, puis matelot, puis millionnaire. La prétendue pêche du poisson d’or, source de sa fortune, était touchée ici de main maître, et je montrais sa barque, cette nuit-là, glissant sournoisement, non point vers le Trou-Tonnerre mais vers la grève où fut trouvé le corps d’un homme assassiné.

Le voilà riche tout d’un coup et achetant d’abord, pour la vingtième partie de leur valeur, les biens de ses anciens patrons, puis d’autres biens, car le mauvais domestique et le mauvais matelot s’est révélé usurier de première force. Il manœuvre ses capitaux avec une telle habileté, il acquiert de toute main, des châteaux, des terres, des navires, des établissements industriels, et il revend à son loisir avec des bénéfices