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Page:Le poisson d'or.djvu/66

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LE POISSON D’OR

M. Bruant déposa lui-même devant le commissaire de police de Port-Louis que, le dernier bateau de passage étant parti, M. Yves lui avait emprunté son canot de plaisance pour regagner Lorient. Ce canot était une baleinière de Dunkerque, qu’un seul homme pouvait aisément manœuvrer.

La baleinière était perdue.

Je dois faire observer que, de la plage de Sainte-Catherine, où la baleinière de M. Bruant était amarrée, jusqu’à Lorient, on ne compte pas plus d’une demi-lieue par mer, mais que, par terre, il faut remonter le Blavet pour trouver le pont d’Hennebon, ce qui donne un voyage de plus de cinq lieues. M. Yves, bon marin qu’il était, avait donc intérêt à risquer le passage en bateau, malgré le gros temps et l’heure avancée.

La baleinière de M. Bruant fut retrouvée plusieurs jours après, dans les roches du Trou-Tonnerre, à la pointe ouest de Groix. C’est là, directement, que porte le courant du jusant, à la sortie de la rade. La baleinière avait touché ; elle était presque désemparée. Il fut constaté qu’elle ne contenait point d’avirons et son bordage manquait de tolets.

Les tolets sont les chevilles qui servent de point d’appui à la rame.

Il y eut des gens pour dire que si la baleinière avait eu ses agrès, M. Yves aurait dormi tranquillement dans son lit une heure après avoir quitté Sainte-Catherine ; mais le matelot qui avait la garde de la baleinière affirma sous serment qu’il y avait laissé, le soir même, trois avirons, dont un de godille et quatre bons tolets de fer.

Cet homme eut, peu de jours après, une place lucrative dans le chantier de M. Bruant, à Nantes où il mourut à la fin de l’année.