Aller au contenu

Page:Le poisson d'or.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
LE POISSON D’OR

Dernier détail : le préposé de garde au Kernevel et celui de Larmor déclarèrent avoir vu passer dans le chenal un objet blanc. Il ventait de l’ouest à décoiffer l’église de Port-Louis, et cependant l’un et l’autre avouèrent qu’ils avaient cru entendre des cris de détresse. Mais il faut autre chose qu’un doute pour troubler le placide sommeil d’un préposé de la douane dormant debout dans sa guérite.

La baleinière de M. Bruant était peinte en blanc.

Il n’en fut que cela quant à l’enquête judiciaire. M. Keroulaz fit sonder tout le long de la côte ouest de Groix et fouiller tous les rochers, mais le corps de son fils ne se retrouva point.

Le temps passa. La pauvre maison Keroulaz fut pendant plusieurs mois tout entière à son deuil. Bien que le grand-père n’eût rien en lui des qualités d’un homme d’affaires, au bout de l’an, son bon sens le porta à réclamer un double de la quittance perdue. Bruant ne dit ni oui ni non. Il parla du malheureux événement, et répéta sur tous les tons cette phrase, si terrible dans la bouche des trafiquants : Nous nous entendrons toujours bien. Du reste, il ne demandait point d’argent, ce qui, chez un usurier de sa force, était une bien formelle reconnaissance du payement effectué. Il venait de temps en temps visiter la presse, qui marchait comme il faut ; il était aimable autant que faire se pouvait. Un jour, il apporta dans sa poche un vieux bout de masse-pain pour la levrette de Jeanne. Les trancheuses de sardines pronostiquèrent qu’il allait mourir.

Jeanne, depuis la perte de M. Yves, tenait les écritures de la petite usine.

Les trancheuses se trompaient, M. Bruant n’était