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Page:Le poisson d'or.djvu/68

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LE POISSON D’OR

pas en danger de mort il avait son idée. Il vint s’asseoir tout contre le bureau de Jeanne et lui offrit un cornet de pastilles de chocolat qu’il avait eues à bon compte, pour cause d’avarie. Jeanne avait instinctivement horreur de cet homme. Elle ne répondit point comme il le souhaitait, quand il lui demanda si elle ne serait pas bien contente d’épouser l’homme le plus riche de Port-Louis. Cela méritait réflexion ; Jeanne n’en fit point : Jeanne refusa du même élan son bonheur et le cornet de pastilles avariées. M. Bruant s’en alla furieux. Pour la première fois, depuis la catastrophe, il dit au grand-père, qu’il rencontra sur son chemin :

— Quand donc parlerons-nous de nos affaires, M. Keroulaz ?

Le vieillard saisit la balle au bond et réclama sa quittance. Le Judas répondit :

— À merveille ! nous nous entendrons toujours bien. Demain je vous enverrai quelqu’un à qui causer.

Il tint parole. Un homme de loi vint le lendemain qui déclara nettement au grand-père qu’il fallait payer ou déguerpir.

On était encore sous l’empire de cette législation confuse où le droit romain, l’ancien droit français et la coutume de Bretagne s’amalgamaient pour former un monstrueux amas de contradictions. Le Code Napoléon est loin d’atteindre la perfection, mais quand je me reporte aux barbares procédures que j’ai suivies, dans ma jeunesse, devant cette Cour de Rennes qui est une des plus illustres du royaume, j’en ai encore le frisson. Le Code de procédure civile ne fut rendu obligatoire qu’en 1808, et nous avions,