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Page:Le poisson d'or.djvu/76

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LE POISSON D’OR

– Vous ne la prîtes pas à l’église, je le sais Vincent. La prîtes-vous au cimetière ?

– Pour quant à ça, monsieur Corbière, fit-il en se redressant comme malgré lui, j’ai été enfant bien tard, et il n’y a pas six mois qu’on m’appelait encore l’innocent. Mais je me suis toujours souvenu de la comtesse de Chédéglise, ma mère, et je serais mort avant de commettre un sacrilège. Voyez-vous, j’avais mon idée pour la boîte. Patron Seveno me pria bien de lui dire le fin mot, mais bernique ! Ça aurait été des si et des mais. Quand on est déterminé, pas vrai, faut marcher. J’obéissais à Seveno à bord de la Sainte-Anne, c’est vrai, mais la bonne créature m’aurait nourri de poulets rôtis si j’avais voulu, et, des fois, il me traitait tout d’un coup comme le fils de mon père… Il avait levé la main sur moi mais sans frapper, un soir que j’étais à la barre et que le bateau pensa toucher sur les dangers du Groaisus. Tout le long du chemin, il ne parla plus et je croyais qu’il était fâché contre moi, mais, à la maison, quand on alluma la résine, je vis qu’il avait des larmes dans les yeux. Il me dit : « Si j’avais tapé, je m’aurais puni de mort ! » Ceux qui connaissent patron Seveno savent bien qu’il fait ce qu’il dit…

– Monsieur l’avocat, interrompit ici Vincent avec un sourire modeste où perçait toute la candeur de son orgueil, j’ai appris pas mal de choses depuis le temps. Je lis dans le moulé et aussi dans l’écriture ; c’est moi que je vous ai tourné ma lettre de ma propre main.

— C’est au mieux, Vincent, mais la boîte ?

— Ah ! ah ! la boîte Monsieur l’avocat a envie de savoir. C’est drôle tout de même ce qui m’est ar-