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Page:Le poisson d'or.djvu/77

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LE POISSON D’OR

rivé là-bas, et je suis venu pour vous dire tout comme à mon confesseur. Je fus donc à Port-Louis en quittant l’auberge du père Mikelic et j’achetai trois lignes à congres pour les mettre bout à bout, avec un hameçon de trois pouces, et puis je dis un ave sous les fenêtres de Mlle Jeanne, car c’était pour elle et son grand-papa que j’allais au Trou-Tonnerre.

Il était dix heures quand je poussai au large avec la plate du vieux Crozic : un bateau de pauvre, monsieur l’avocat, rapiécé partout comme la veste d’un chercheur de pain. Je dressai le mât, je bordai la voile, percée de plus de trous qu’une écumoire, et me voilà parti, profitant du vent et de la mer. Beau temps, vous souvenez-nous ? Je ne mis pas plus d’une heure à traverser les couraux. C’était désert comme si on avait été à cinq cents lieues de la côte, rapport à la fête qui mettait tous tes équipages au cabaret. Je dis la vérité : à Lorient ni à Port-Louis, personne n’a eu connaissance de ce grain-la qui montai, vers les basses de Crescoret, à une demi-lieue l’île. Mon mât fut brisé comme un tuyau de pipe et ma voile s’envola le diable sait où. Un grain sec, pas un nuage au ciel, des étoiles à boisseaux, et qui brillaient comme un million de chandelles ! Qu’est-ce que c’était que ce grain-là ? Demandez à un plus savant. Tout de même, ! a mer se mit à danser fameusement, ma plate vira bord sur bord et j’aurais juré que tous les tonnerres du ciel canonnaient au-dessus de ma tête. Je commençai à vider la barque avec mon chapeau, car je ne trouvais par l’écuelle, et la lame embarquait en grand, comme chez elle. Si j’avais été en état de péché, gare à moi ! C’est là que je fus content de n’avoir pas sur moi la damnée boîte ! Je dis un bout de patenotre