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Page:Le poisson d'or.djvu/87

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LE POISSON D’OR

heureux petit livre, travaillaient. Seveno ne contait plus d’histoires, il s’agissait d’étudier à six, pour que je fusse patron au cabotage.

J’ai omis de vous dire que le Judas avait eu vent de mon entrevue avec M. Keroulaz. Il fit venir un soir Seveno et lui ordonna de me débarquer. Seveno l’envoya paître, selon son expression et nous quittâmes la Sainte-Anne pour faire la pêche à notre compte, sur une barque de rebut. J’étais toujours le mousse, c’est-à-dire le dernier de l’association ; mais j’avais une manière de lit dans la cabine, tandis que patron et matelots couchaient à fond de cale.

Plus nous allions, plus le monsieur Vincent devenait d’usage. Un jour, Seveno me dit, et je répète ses propres paroles :

— On peut se passer de toi, ces temps-ci, monsieur Vincent, ma garçaille. Tu resteras à la case et tu mangeras ton livre en grand toute la sainte journée. Par quoi, ce sera autant de pris. Nage a la maison !

L’équipage applaudit et vida cinq pots chez Mikelic en l’honneur de l’idée. Non seulement je restai tranquille à la case, mais on me donna la femme de Courtecuisse pour faire ma cotriade. À dater de ce moment, je mordis à la besogne et je fis de véritables progrès. Ce fut grande fête, la première fois que je lus à l’équipage stupéfait une page de gazette qui avait enveloppé deux sous de tabac. On but je ne sais combien de pots chez Mikelic, et Seveno déclara qu’il avait vu bien des commissaires à qui j’aurais donné le tour !

Enflé de ce succès, j’allai à Port-Louis m’offrir à l’examen de M. Keroulaz, qui me dit :

— Penilis, mon garçon, il faut aller à l’école, sans quoi Jeanne risque de t’attendre cent ans.