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Page:Le poisson d'or.djvu/88

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LE POISSON D’OR

La bonne chance accompagnait notre vieille barque, qu’on avait baptisé la Jeanne. je n’ai pas besoin de vous dire en l’honneur de qui. Quand je revins, bien triste, conter à mes braves amis le résultat de mon épreuve, Seveno cassa d’un coup de poing une table vermoulue, qui était la meilleure de tout le mobilier de Mikelic.

— Nom de nom de nom ! gronda-t-il, ça n’est pas juste ! L’enfant lit tous les cornets à tabac comme père et mère… N’empêche que, si le vieux l’a dit, monsieur Vincent, faut te patiner différemment et mettre le cap sur l’école. Allume !

Le lendemain, je fis mon entrée l’école, où je fus placé dans la classe des petits enfants. Il y a un mois de cela, monsieur l’avocat, et j’ai bientôt fini mon histoire. Je n’ai plus à vous dire que le motif de mon voyage.

Il y avait près d’un an déjà que j’avais jeté ma ligne au Trou-Tonnerre. Je ne peux pas dire que j’avais oublié cette nuit-là ; mon bras qui restait faible et douloureux, m’en faisait souvenir a chaque instant ; mais l’ardeur que je mettais à mes pauvres études avait éloigné de moi toute autre pensée. Il est certain que, dans les premiers jours qui suivirent mon équipée, j’avais un ardent désir de savoir lire pour prendre connaissance des papiers qui étaient dans la boîte de fer-blanc trouvée dans la poche du caban de toile cirée, mais peu à peu cette préoccupation avait disparu, et l’étui de fer-blanc était absolument sorti de ma mémoire ; ceci, à tel point que, sachant lire et tenant, par conséquent, dans ma main la clef de ce mystère, je ne songeais pas à m’en servir. Il fallut un hasard. Jeudi dernier, patron Seveno se plaignit en rentrant que ses papiers de bord étaient tout trempés, parce que son étui dessoudé faisait eau.