mais sur le marbre austère de cette statue sait-on l’effet que produit un sourire !
L’arrivée de la caisse changea subitement le cours de mes pensées. Cela dut paraître sur mon visage, car notre Vincent, qui restait inquiet devant mon silence, respira bruyamment tout à coup et s’écria :
— Ça mord, monsieur l’avocat, pas vrai ?
Ça mordait Et c’était le poisson d’or cette fois qui chatouillait mon hameçon ! la vue de cette caisse de sapin m’éblouit ; mon cerveau vibra au contact d’en de ces grandes idées qui gagnent les batailles.
– Monsieur de Chédéglise, dis-je, il faut entrer au lycée de Rennes et regagner le temps perdu. Vous allez être un riche gentilhomme !
Vincent changea de couleur.
— Il ne s’agit pas de moi, monsieur l’avocat, murmura-t-il.
– Aidez le commissionnaire à recharger sa caisse, Vincent… Il s’agit de vous mon ami ! M. Bruant n’a-t-il pas le château de Penilis comme il a le château de Keroulaz ?
Il resta immobile, et ses yeux semblèrent s’agrandir en se fixant sur moi.
Puis sa prunelle brilla et il pensa tout haut :
— Si on pouvait fouiller le fond de la mer.
— Il y a quelque chose de plus difficile à sonder que la mer, monsieur de Chédéglise, interrompis-je, c’est la conscience d’un scélérat. Et pourtant Dieu permet tôt ou tard qu’une lumière se fasse au fond de ce gouffre… Aidez à recharger la caisse. La bataille est commencée, entendez-vous, et je vous donne ma parole d’honneur d’y perdre tout mon latin, ce qui est le sang de l’avocat, avant de reculer d’une semelle !