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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/473

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Une Nuit de Noël

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Clotilde s’engagea dans l’allée qui conduisait à la pelouse centrale et se dissimula derrière un groupe de sapins, d’où elle voyait, à la clarté de la lune, la maison large et basse, habillée de lierre et surmontée d’un pinacle, où veillait une horloge.

Au village voisin, une cloche tinta, grêle et gaie dans la vaste nuit. C’était la messe de Noël.

— Le voici, se dit-elle, toute frissonnante.

Sur le perron, en effet, un homme apparaissait, qui descendit les marches et se dirigea vers la grande grille. Mais il se ravisa, s’en revint vers la pelouse et la suivit.

Elle distingua ses traits. Lui aussi aurait pu voir l’ombre de la jeune fille mêlée à l’ombre-des sapins. Mais il passa sans tourner la tête et sans qu’elle osât l’appeler. Au dernier moment, elle hésitait.

— Raoul ! s’écria-t-elle tout à coup.

Elle avait couru et elle était devant lui, immobile, lui barrant la route.

— Vous ! dit-il, c’est vous !

Et ce fut entre eux un dialogue très court, scandé d’une voix brusque, hostile presque de part et d’autre.

— Vous êtes seule ?

— Oui.

— Votre père ?

— Il me croit au château, dans ma chambre.

— Et vous êtes venue ?…

— Vous voir, vous parler.

— Nous n’avons rien à nous dire qui ne puisse être dit en plein jour et devant tous.

Elle lui saisit le bras nerveusement.