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Page:Leblanc — Contes du soleil et de la pluie, parus dans L’Auto, 1902-1907.djvu/474

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— Si… si… vous le savez… votre indifférence…

Elle s’interrompit. Le silence fut lourd entre eux. Enfin, elle murmura :

— Vous refusez, n’est-ce pas ?

— Que m’offrez-vous ?

— Ma main, dit-elle nettement.

Il la devina, dans l’ombre, qui tremblait après l’effort d’un tel aveu.

Il ne répondit point.

— Je suis riche et vous ne l’êtes pas. Est-ce cela qui vous effraie ?

— Qu’importe l’argent ?

— Alors, quoi, vous me détestez ?

À son tour, il lui saisit le bras et d’un ton saccadé, âpre :

— Ce que je déteste, c’est la jeune fille que vous êtes, impérieuse, téméraire, fantasque, hautaine, voulant tout plier à sa volonté, n’acceptant pas la vie avec ses devoirs et ses peines. Vous m’aimez ? Allons donc, c’est mon indifférence qui vous irrite. Il faut que je sois à vos pieds comme les autres, sinon vous êtes prête à tout, jusqu’à risquer cette démarche inutile et… inconvenante.

Il la discerna, toute pâle sous l’affront, et si belle, si tragiquement belle avec ses yeux courroucés et le pli amer de ses lèvres.

— Assez ! dit-elle. J’en ai trop entendu déjà. Conduisez-moi.

Ils suivirent une allée toute blanche de lumière et parvinrent auprès d’une petite porte percée dans le vieux mur du jardin. Des massifs de lauriers l’encadraient. Clotilde s’arrêta.

— Pour la dernière fois, est-ce oui, pu non ?

— Non.

Elle porta sa main à sa bouche. Un coup de sifflet vibra. Deux individus surgirent de droite et de gauche, bondirent sur le jeune homme et l’entrainèrent hors du jardin, vers une automobile dont les phares illuminaient la campagne. L’un d’eux le maintint sur une banquette. L’autre mit le moteur en marche. On partit.