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Page:Leblanc - La Pitié, 1912.djvu/118

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LA PITIÉ

Jacques.

On peut s’en délivrer. Il est toujours temps.

Robert, se levant.

Tu n’as donc plus pitié de Germaine ?

Jacques, fortement.

Je ne veux plus avoir pitié ! Avoir pitié, c’est fermer les yeux, s’attacher les mains et se livrer tout vif aux bêtes qui vous déchirent. Ah ! la dangereuse et l’inutile pitié !

Robert.

Hélas ! elle est au plus profond de notre cœur.

Jacques, violemment.

Elle n’est pas dans notre cœur ! Elle est dans notre tête, dans les livres que nous écrivons, dans tous les livres de notre époque. C’est un sentiment tout littéraire, une sorte de mode qui nous séduit, parce qu’elle semble s’adresser à nos plus hautes aspirations, et qui, en réalité, ne flatte que nos instincts les plus lâches. C’est une maladie de notre intelligence.